19/1/15

"Charlie Hebdo" : les valeurs de la République






 Le Po6to texto de JAM enint!!!!!!



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Le Point.fr - Publié le 19/01/15 à 16h23

"Charlie Hebdo" : les valeurs de la République
Par Jacques-Alain Miller
Alors que les "valeurs de la République" font figure de mantra au lendemain des attentats, Jacques-Alain Miller y voit un air de IIIe République.
De Paris, ce lundi 19 janvier 2015, 8 heures
Et la Compagnie de Jésus, que fait-elle ? Ne jamais omettre de se poser la question. Non pour s'orienter, car on trouve d'habitude ses membres aux quatre points cardinaux. Mais pour en prendre de la graine. Voyez. D'un côté, le pape François est auprès de nos frères musulmans, il partage leur indignation, leur colère est sa colère, la violence ne lui fait pas peur, "c'est normal", dit-il. Certes, boxer n'est pas tuer. Passons en France. La Compagnie est là auprès des mécréants et des bouffeurs de curés. Sa revue, Études - je renouvelle mon abonnement -, publie sur son site les unes de Charlie moquant le pape et les chrétiens. "Il y a une forme de dérision qui peut être féconde", souligne le père Euvé, rédacteur en chef.
Les caricatures ont été retirées en catastrophe après que le pape a parlé. Comment en aurait-il été autrement ? L'Église a pour doctrine officielle l'oecuménisme. Elle parie sur la solidarité interconfessionnelle des croyants. Le pape gaffeur, je veux dire le docte Benoît XVI, a fait voir en son temps ce qu'il en coûtait de citer, sans penser à mal, des propos peu amènes sur Mahomet tenus par un empereur byzantin du XIVe siècle : pour ainsi dire, "on lui a éclaté sa race, à cet enlécu". Chat échaudé craint l'eau froide. Depuis lors, sur le Prophète, fini de papoter à la papauté ! Et puis, ce serait trop demander d'un pape qu'il bénisse le blasphème à la française. Mais aussi bien, qui ne sait que là-contre le Vatican est mithridatisé ? Alors que le dernier Mahomet de Charlie, son Mahomet compassionnel, son "Mahomet avec nous !", est accueilli dans le monde musulman comme on voit qu'il l'est, on n'a pas le souvenir que la longue série des unes anticléricales de l'hebdo ait provoqué quelque réaction que ce soit du peuple chrétien. Cool, zen, indifférent, pas au courant, il se moque de ses moqueurs. On ne peut certes exclure que dans l'avenir, réveillés de leur sommeil dogmatique par les puissantes clameurs mahométanes, les intégristes de Civitas ne fassent preuve d'émulation. Reste que, pour l'heure, on voit mal des catholiques, même allumés, faire aussi fort que les frères Kouachi. Mais qui sait ?
Les blagues potaches de ce bon petit diable de Charlie
J'admire la Compagnie de Jésus de tenir les deux bouts de la chaîne. On peut traiter les trois tueurs de "super-connards" ou de "malades mentaux" (mais est-ce politiquement correct ?), on ne peut disqualifier avec autant de désinvolture le milliard sept de musulmans qui expriment de diverses façons le profond déplaisir que leur causent les blagues potaches de ce bon petit diable de Charlie. On ne trouve déjà pas un nombre suffisant d'imams "en capacité" de rééduquer la jeunesse musulmane de France pour lui inculquer "les valeurs de la République", va-t-on maintenant prendre en charge la rééducation de l'oumma dans son ensemble ? Ce serait outrecuidant.
La tâche, pourtant, n'aurait pas fait peur à nos "Grandes-Têtes-Molles" du XIXe siècle, qui n'étaient pas toujours à pleurnicher, loin de là, n'en déplaise à Lautréamont. Guizot, Edgar Quinet, Hugo, prodiguaient des formules comme : "La France guide l'humanité", la France "mère des peuples", "initiatrice du genre humain", "éducatrice des nations", "institutrice du monde". Les saint-simoniens tenaient les Français pour un "peuple vraiment prêtre, et digne d'initier tous les peuples à la communion universelle". La France de Michelet était "porteuse de la cause du progrès", le "vaisseau pilote de l'humanité". Les écoliers apprenaient dans le manuel de Lavisse que "notre patrie est la plus humaine des patries." Pour Gambetta, la France était la "nourrice des idées générales du monde". La France, disait Jules Ferry, doit exercer "sur les destinées de l'Europe toute l'influence qui lui appartient. Elle doit répandre cette influence sur le monde." Enfin, Péguy, à la fin du siècle, mariait la foi à la démocratie et exaltait un universalisme biface : "La France a deux vocations dans le monde, sa vocation de chrétienté et sa vocation de liberté. La France n'est pas seulement la fille aînée de l'Église, elle est indéniablement une sorte de patronne et de témoin (et souvent de martyre) de la liberté dans le monde."
J'emprunte ce florilège à M. Michel Lacroix (Éloge du patriotisme. Petite Philosophie du sentiment national, Robert Laffont, 2011). Sans doute ce "messianisme français", comme il le dénomme très justement, a-t-il aujourd'hui un accent délirant. Il a aussi une face noire : ce fut le terreau du colonialisme. Colonialisme intérieur aussi bien : tu t'assimiles ou tu dépéris. Il n'empêche qu'on a vu à l'occasion de la marche du 11 janvier que ce discours teinté de mégalomanie avait encore de beaux restes dans l'univers. Il explique pour une part la pandémie émotionnelle. On peut d'ailleurs soutenir que, si enflé qu'il soit, il fait corps avec le génie français. La France issue de la Révolution n'a fait ici que prendre le relais de nos rois, selon la logique mise en évidence par Tocqueville en matière de politique et d'administration. "L'exception française", ce n'est pas seulement un dispositif d'exemption fiscale favorisant les oeuvres de l'esprit. Elle désigne la place distinguée que la France s'est acquise, et dans la chrétienté et dans la modernité, comme "fille aînée de l'Église" (en dépit, ou à cause, de ses accointances avec Soliman sous François Ier, et avec les protestants allemands sous Henri IV, par souci d'abaisser la Maison d'Autriche) et comme "pays des droits de l'homme" (malgré de cruels manquements trop connus). "Dei gesta per Francos" se conjugue, pour ainsi dire, avec "Libertatis gesta", dans le plus pur esprit péguyste.
Nos élites se la jouent IIIe République
Il y aurait là de quoi redonner leur lustre à ces "valeurs de la République" invoquées ces jours-ci comme un mantra, alors qu'il suffit souvent de regarder qui tourne le moulin à prières pour savoir que nous sommes dans l'imposture. De quelle "République" s'agit-il ? Certainement pas de la Ve. Non, tout comme les révolutionnaires de 89 - Marx le rappelle au début de son 18 Brumaire - s'identifiaient aux Romains de l'Antiquité, nos élites se la jouent, en ces temps de crise, IIIe République.
Je ne résiste pas au plaisir de suivre encore une fois le texte éloquent de Michel Lacroix. La IIIe République, dit-il, fut, notamment dans sa première période, 1870-1914, "l'âge d'or du patriotisme". "En premier lieu, l'État républicain considérait l'entretien du sentiment patriotique comme sa tâche prioritaire. Il menait une politique active d'inculcation des valeurs nationales. Nos gouvernants étaient convaincus que la Prusse devait sa victoire sur la France en 1870 à ses maîtres d'école. [...] La République française née au lendemain de la défaite voulut suivre l'exemple que lui donnait l'ennemi. Pour les Français comme jadis pour les Prussiens, le redressement passerait donc par l'école, et les vertus patriotiques formeraient l'épine dorsale de l'enseignement. [...] Hormis quelques voix discordantes (les anarchistes et les marxistes, pour qui "les prolétaires n'ont pas de patrie"), les hommes de culture partageaient le credo patriotique. [...] Autre facteur déterminant : le "pacte social" recueillait l'approbation de la majorité des citoyens. Certes, la France de la IIIe République n'échappait pas aux conflits de classe. [...] Les injustices sociales étaient criantes. Mais, globalement, les citoyens se reconnaissaient dans la société et dans l'État qui l'incarnait. [...] L'école permettait l'ascension sociale."
Voilà en somme qui peint le paradis perdu de la France de 2015. Celle-ci n'est en avance que sur un point : de nos jours, Ravachol n'a pas d'héritier, et les marxistes persuadés que les prolétaires sont apatrides ne sont plus légion. Ne serait-ce pas plutôt la Banque que la Classe qui n'aurait pas de patrie ? Je pose la question. Pour le reste, retour plein pot à la IIIe ! C'est la panacée qu'on a trouvée. Le speech de Manuel Valls qui lui valut l'ovation unanime de l'Assemblée nationale debout, c'était de la IIIe vintage. Ce Catalan, fils d'artiste peintre, avait eu le nez fin en se choisissant Clemenceau pour figure tutélaire et idéal du moi. Mais dès avant son discours, tous les députés avaient chanté la Marseillaise à l'unisson. On a noté que le fait était inédit depuis le 11 novembre 1918. C'est dire comme ils étaient tourneboulés.
Oui, les grandes figures de la IIIe République cherchent à se réincarner parmi nous. Mais, tels les six personnages de Pirandello dans l'admirable mise en scène de Demarcy-Mota au théâtre de la Ville, sur la traduction-adaptation de François Regnault, ils trouvent difficilement des acteurs "en capacité" de tenir leurs rôles. "À dire vrai, il est un seul parmi nos hommes publics qui nous vienne tout droit de la IIIe République." Les autres font semblant. Qui est-ce ? Vous donnez votre langue au chat ? Ce voyageur du temps est Plenel, mon ami Edwy.
Cocoricos de rigueur
Je l'observe qui ferraille, frémissant, parle haut, gourmande, vitupère, au nom d'une République puissamment idéalisée, dont on ne dira pas qu'elle n'a jamais existé. Elle exista, oui, mais dans l'imaginaire de nos ancêtres, à la jointure des XIXe et XXe siècles. Plenel, notre surmoi républicain ! Je ne prodigue pas cette épithète en vain. Le cas Edwy Plenel aide à comprendre pourquoi Freud prend soin de préciser que "le surmoi de l'enfant ne se forme pas à l'image des parents, mais bien à l'image du surmoi de ceux-ci". Définition par récurrence, qui ouvre sur la suite des siècles : "Il devient le représentant de la tradition, de tous les jugements de valeur qui subsistent ainsi à travers les générations."
Quand on écoute Plenel si véhément ces jours-ci, on croirait entendre un Hibernatus ou un Homme à l'oreille cassée, congelé ou desséché au temps de l'affaire Dreyfus, et qui aurait repris les couleurs de la vie vers 2006, à la création de Mediapart, dont je suis le fidèle abonné depuis le commencement. Si je mets le curseur sur l'affaire Dreyfus, c'est pour beaucoup de raisons, et d'abord parce que Plenel lui-même place son tout récent pamphlet, Pour les musulmans (La Découverte, 2014), sous le patronage de Zola, et précisément d'un article de celui-ci intitulé "Pour les Juifs", paru un an et demi avant J'accuse. Mais surtout l'Affaire fut le creuset d'un concept de "la gauche" qui aura tenu un siècle durant, et dont Plenel est aujourd'hui le chantre térébrant.
On sait la thèse que défend Jean-Claude Michéa dans ses derniers livres, et il tient tête brillamment sur ce point à Jacques Julliard, savant historien des gauches françaises (suivre la controverse dans leur ouvrage, La Gauche et le Peuple, Flammarion, 2014). L'Affaire marque le moment où le mouvement ouvrier, qui avait jusqu'alors tenu en lisière la gauche bourgeoise, vint confluer avec elle pour donner naissance aux "intellectuels" et à ce mythe de la gauche qui se dégrade sous nos yeux jusqu'à devenir obsolète. Les deux composantes de ce pur produit de synthèse politique semblent en effet engagées dans un inexorable processus de séparation. Les ouvriers votant Front national et les bobos passant au (social-)libéralisme, que reste-t-il à gauche ? Pour l'essentiel, une petite bourgeoisie intellectuelle, fonctionnaire et syndicale, amoureuse d'un fantôme qui se dérobe à ses embrassements. Si nous n'avions Plenel pour chanter la gauche d'antan, qui ? Je ne vois personne, pas même Mélenchon, passé avec armes et bagages à l'écosocialisme.
Question "valeurs de la République", je ne vois pour l'heure qu'un seul rival à Plenel. Élevée dans un sérail où la République, c'était plutôt "la gueuse", Marine Le Pen, en dépit de son transformisme, de ses dons de caméléon, est encore peu sûre de son propos. Nicolas Sarkozy ? Sans le texte d'Henri Guaino, comme il balbutie ! Comme il semble perdu ! Un personnage "en quête d'auteur", comme dans Pirandello. Alain Juppé, François Fillon, etc. ? Ils payent le prix de leur bonne éducation : aucun qui sache escalader le tas de fumier pour lancer avec conviction les cocoricos de rigueur. Par charité, nous ne parlerons pas des premiers communiants, François Bayrou, François Hollande. Non, je ne vois que Valls qui sache tenir la note Clemenceau face à Plenel cassant la baraque en Zola redivivus. Le premier flic de France contre le numéro un des intellectuels de gauche. Impitoyables les deux (et aussi ma chère Christine Angot) avec Houellebecq ou Zemmour. Mais divergeant sur Dieudonné. C'est que l'un donne la priorité à la grande peur des juifs sur le malaise des musulmans, tandis que, pour l'autre, l'islamophobie s'est largement substituée à l'antisémitisme.

Occupy Terror: Las plazas y el agujero-Por Éric Laurent




Occupy Terror: Las plazas y el agujero

Por Éric Laurent
El domingo, permanecí, con mi familia, prácticamente inmovilizado por una muchedumbre compacta cerca de la Plaza de la República. Estábamos pues, poco después de las cinco de la tarde, en el trayecto de los vehículos de la gendarmería que abandonaban la plaza de la República y atravesaban la muchedumbre para ir a situarse alrededor de la Gran Sinagoga de París, en previsión de la ceremonia que iba a tener lugar. Entonces oímos un original y resonante “¡Adelante los azules!”, saludando su paso por encima de los aplausos que acompañaban al convoy.
Este grito deportivo y popular tenía ecos del otro momento de unión nacional alrededor del equipo negro-blanco-beur* cuando la Copa del Mundo de fútbol. Adelante los azules saludaba al equipo que había ganado contra la angustia que había embargado a todos por la matanza de los inocentes a la que habíamos asistido y de la que habíamos escapado (la escuela de Montrouge). Este grito tomaba el relevo del grito más escuchado hasta entonces: “¡Libertad!” He aquí ambos términos anudados. Libertad y seguridad se llamaban el uno al otro, después del terror atravesado que ponía las velas a su aporía.
La tensión entre Seguridad y Libertad, heredada de las Luces (1), ha sido actualizada especialmente por Zygmunt Bauman, sociólogo nacido en 1925 en Polonia que inventó no sólo la “liquidez moderna” sino que escribió mucho sobre las relaciones de la Shoah y la modernidad. Había servido durante la guerra en el primer ejército polaco libre y obtenido la cruz militar del valor. Luego, había regresado después de la guerra a enseñar a Varsovia, que solo abandonó en 1968, a consecuencia de las persecuciones antijudías y antiintelectuales de un régimen acorralado. En 2012, al abrir un ciclo organizado por la Universidad de Amsterdam sobre el tema “En Mí, la paradoja de la libertad”, se apoyaba en Freud y su Massenpsychologie para decir que estamos ahora, en la transacción entre las exigencias de la civilización y las de la aspiración a la libertad de satisfacer las pulsiones, en una situación inversa a los contemporáneos de Freud. Él no oponía la sociedad de la interdicción que conoció Freud y nuestras sociedades permisivas. Tenía en cuenta la aspiración de las sociedades democráticas, post-11 de septiembre, post-atentados de Londres, post-11M (2) de Madrid, a una “vuelta a la orden” de otro género que el que conoció Europa del período entre las dos guerras mundiales. “En el tiempo de Freud y de sus escritos, la queja más común era el déficit de libertad; sus contemporáneos estuvieron dispuestos a renunciar a una parte considerable de seguridad para eliminar las restricciones impuestas a las libertades. Y lo consiguieron. Ahora, sin embargo, se multiplican los indicios según los cuales cada vez habría más gente que cedería de buen grado una parte de su libertad para poder emanciparse del espectro terrorífico de la inseguridad existencial” (3). En una entrevista dada un poco antes, precisa cómo esta transacción funciona especialmente después de los atentados terroristas: “La gente tiene numerosas razones para tener miedo… Podríamos enumerar millares de estos elementos líquidos de la realidad de hoy que amenazan con hundirles. Son la fuente de un tipo de angustia generalizada… Hay una gran ventaja en transferir este nivel general de incertidumbre existencial al nivel más concreto de la seguridad personal, es que se sabe entonces qué hacer… Después de cada asesinato, cada bomba, cada acto de terrorismo… la gente encuentra objetivos y una ocupación concreta en los que concentrar su atención” (4). Z. Bauman tiene el gran talento de partir de la angustia, que intenta hacer volver a entrar en el marco de la Massenpsyphologie freudiana.
Hoy estamos en relación con la angustia, la de los ciudadanos franceses en su conjunto, que se sienten designados como víctimas potenciales, como la inscripción Not afraid subraya. Es la de los 4 millones de manifestantes de todas las confesiones, la de los judíos amenazados, la de los musulmanes horrorizados por estos actos, la de los que no pudieron o no quisieron sumarse. Como diría Z. Bauman, podríamos enumerar todavía más esta diversidad. El domingo, este afecto se tiñó de la euforia ligera que da el sentimiento culpable de estar vivo, juntos. Es una angustia que colectiviza de otro modo que una epidemia histérica. Lacan define la angustia como “lo que no engaña”, a condición de salir del marco freudiano del Nombre-del-Padre. La angustia está del lado del goce que se sitúa fuera de las referencias al orden simbólico. Es lo que causa desorden en lo simbolico, lo que no puede encontrar allí su lugar y su lazo. La subjetividad moderna se define por un régimen del sujeto como el corte que solo tiene relación con un agujero. La relación del sujeto con el corte y el vacío está fuera de sentido, pero como dice Lacan, puede “ser contabilizada”, como “no Uno”. “Al nivel del deseo, el sujeto se cuenta” (5). Este nivel del deseo es también el de la operación del fantasma, donde el sujeto se capta en su desaparición. Esto define un funcionamiento de la psicología de las masas distinto de aquel de la identificación positiva a un rasgo extraído del Otro, tal como Freud lo planteó, anticipando en los años veinte lo que iba a ser el funcionamiento del partido totalitario de los años treinta. La oposición entre el lazo social fundado sobre una identificación a un rasgo unario, o a un pequeño bigote, y el lazo social fundado sobre el fantasma como respuesta ante la angustia original, nos permite tomar en consideración de otro modo la manifestación del domingo. Ésta se inscribe en la serie de las respuestas a la Crisis que se formularon en movimientos espontáneos, sin claves unificadoras, en Europa latina, bajo el significante “de indignados”, en USA y en los países anglófonos, como “Occupy”. Sin duda se trata de ocupar un lugar más indefinido todavía, el de una enunciación en la cual el sujeto puede captarse desapareciendo. Se trata de un grito del sujeto contra el Otro infernal que hace que ellos no tengan más lugar en el mundo. Este grito mismo es una enunciación pura, el lugar donde estos sujetos se captan en su pérdida. Los partidos políticos tienen muchos problemas para dar a este movimiento la forma clásica de un programa común de reivindicaciones. ¡Cuánto más el poder, bajo su forma más simpática y más sonriente, afirma “Yes we can!”, o “Podemos”, más se difunde la sospecha de la impotencia del poder contemporáneo. En este sentido, esta protesta tiene una fuerza, una energía, una presencia pulsional y fantasmática formidable.
El cálculo es a pensar como lo que opera a partir de la pérdida, a partir de la imposibilidad de ocupar verdaderamente el lugar que no es Wall Street, ni la Puerta del Sol, sino una puerta abierta sobre el terror como el que tomó la cara de los diecisiete muertos en los atentados contra Charlie y el Hypercasher de Vincennes. Como respuesta a la angustia, se trata de escribir algo nuevo, algo que marque un lugar como hacen los 4 millones de manifestantes entre la Plaza de la República y la de la Nación. Este lugar [place] no es ni siquiera el de la República o el de la Nación, significantes-amo de la historia nacional. Es el lugar que deja abierto el agujero en lo simbólico que el sujeto intenta ocupar para recuperarse. Queda por saber hacia donde se dirige esta “marcha”. ¿Está en el camino hacia un nuevo Dios como presienten Houellebecq o Régis Debray? ¿Hacia una ley, que vendría una vez como respuesta total, “Patriot Act” definitivo, que vendría a suturar el llamado que se abrió? ¿Es una apelación a un nuevo Leviatán que vendría a garantizar la pluralidad de las creencias del multiculturalismo con su mano de hierro? ¿Es, por el contrario, la posibilidad de una manifestación, donde el silencio trabaja en el reverso de la pulsión de muerte, en un malentendido vivo que nos aparta de la transacción fatal entre Libertad y Seguridad?
Notas:
1. “Un pueblo listo a sacrificar un poco de libertad por un poco de seguridad no merece ni uno ni otro y acaba por perder los dos”. Benjamin Franklin
2. Así es como los españoles llaman los atentados de la estación de Atocha del 11 de marzo de 2004.
3. Bauman Z., Liberty and security : A case of Hassliebe. Debo a Gustavo Dessal, colega y amigo de Madrid, de haberme informado de este texto, puesto en exergo en el libro escrito a dos manos con Zygmunt Bauman, El retorno del Péndulo. Sobre el psicoanálisis y el futuro del mundo liquido, Fondo de Cultura Económica de España, Fondo de Cultura Económica de Argentina, 2014, p. 22.
4. L. Galecki, “The unwinable war: An interwiew with Zygmunt Bauman”,opendemocraty.net
5. Lacan, Jacques, El Seminario, Libro XIX, … o peor, Buenos Aires, Paidós, 2011.
Notas de la traducción:
* Beur: joven árabe nacido en Francia de padres emigrantes.
** En francés, “place”, plaza. Juego de palabras entre las plazas entre las que tuvo lugar la manifestación y los lugares.
Fuente: Artículo publicado en francés en Lacan Quotidien nº 456
Traducción: Margarita Álvarez